La lettre du secteur pastoral de Pessac, 12 mars 2016

                           « Religions du Livre et société française actuelle »

         Un cycle de 4 conférences partages, à Pessac, salle de la Fraternité, organisé

par l’Eglise Protestante (« Présence au Monde ») et l’Eglise Catholique de Pessac

-         11 février, 18h30 : le Christianisme avec le père Christian Alexandre, curé de Pessac et Raymond Chamard, pasteur de Pessac

-         3 mars, 20h : le Judaïsme avec Didier Guedj, membre du consistoire de Bordeaux et président des amitiés judéo-chrétiennes

-         17 mars à 18h30 : l’Islam avec Mahmoud Doua, imam de la mosquée de Cenon

-         31 mars à 20h : table ronde avec l’ensemble des intervenants animée par Jean-Michel Dauriac, président de Présence au Monde et doctorant en théologie protestante

         Conférence du 3 mars : le Judaïsme avec Didier Guedj

(Notes de Jacques Da Rold prises en cours de réunion, non exhaustives. Un compte rendu complet enregistré sera disponible à l’issue des 4 conférences près de « Présence au Monde »)

                                                              

Pour qualifier la place du Livre dans la religion juive on devrait en réalité dire : la place des livres.

Il y a la Bible, avec cependant un « canon » différent de la Bible chrétienne, avec un corps principal :

- la Torah qui correspond au Pentateuque auquel s’ajoutent notamment les livres des prophètes

- les Ecrits (livre des psaumes, cantique des cantiques, livre d’Esther, de Job, chroniques…)

Le peuple juif est le peuple de l’étude du Livre. L’exégèse, étudedes textes « sacrés », représente le mode de fonctionnement de base de la vie juive. Les livres ne sont pas « sacrés » car il y a exégèse ; il y a « quelque chose » à déchiffrer, des messages entre les lettres, des matières à réflexion.

Les règles de l’exégèse vont de la lecture littérale (le verset raisonné ou non), à la lecture explicative puis la lecture allégorique (on explique par une parabole ou une histoire) et enfin on atteint le secret, le mystique, la kabbale. Beaucoup vont directement au point 4, or le message de la kabbale ne peut être compris que si l’on est passé par les étapes précédentes. Ces 4 étapes se nomment le « PaRDeS », le verger : « rentrer dans le verger pour cueillir les fruits de la connaissance ! »

On ne peut pas faire dire au verset ce que l’on veut et même s’il y a des regards différents, le verset ne peut sortir de sa littéralité ; on ne peut inventer ce qui n’y est pas. On prend le texte, on le décortique, cherche l’explication de l’intérieur en prenant appui sur ce qui a été commenté avant nous par d’autres générations. On bénéficie ainsi de tous les écrits du moyen âge à nos jours.

La Torah n’est pas un livre d’histoire, c’est un livre de symboles, de matière à réflexion. Le principe du judaïsme est-il de dire que Dieu est bon ? A-t-il besoin de cela ? Ce qu’Il attend de nous, c’est un zèle. Moïse a reçu la Torah au Mont Sinaï et l’a donnée à un petit peuple d’élus, or la Torah n’appartient à personne et à toute l’humanité, au-delà du peuple juif. C’est un message fait pour que l’on puisse « Vivre Ensemble ».

La Loi, à l’intérieur de la Torah, qui est d’abord une loi écrite, est un cadre de discussions qui s’appuient sur les versets. Il y a d’une part la Torah et d’autre part la loi orale qui se transmettait de générations en générations avec des « modes d’emploi » tel que pour les 3 grandes fêtes. Les discussions sont transmises oralement puis consignées par écrit. On dispose ainsi de 6 traités, la Mishna, portant sur des problèmes matériels comme les lois sur le glanage, le coin du pauvre (le péa) ainsi que de la Guemara ; la Mishna et la Guemara constituent le Talmud. Cela permet un chemin vers la modernité avec une loi en mouvement.

Chaque discussion est basée sur les discussions précédentes : « la Numara » (avancer).

Ce qui est primordial c’est l’esprit de la Loi, des lois :

-          de l’homme vis-à-vis de Dieu

-          de l’homme vis-à-vis de lui-même

-          de l’homme vis-à-vis de son prochain ; c’est le plus important.

Il faut éviter de faire toujours les mêmes erreurs et lors du « Yom Kippour » (le Grand Pardon) on demande pardon non pour les fautes vis-à-vis de Dieu, à qui on s’adresse directement, mais pour celles vis-à-vis de son prochain.

C’est valable pour la manière de vivre dans la Cité. La justice de notre époque est une justice procédurière …comme à l’époque de Noé où le rapport de l’homme avec son prochain n’était pas respecté ; ces notions sont encore valables aujourd’hui. Dans le judaïsme, il convient d’être sensible à la sensibilité de notre prochain, de se mettre à l’écoute de notreprochain. Lors d’un échange avec le père Francis, Didier Guedj précisa que c’était d’ailleurs ainsi que l’on pouvait comprendre la prière des chrétiens, « le Notre Père » dans son verset :« pardonne nous comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé », « comme » signifiant « tel que nous devons le faire du fait de la bonté de Dieu ». Le pardon est un don de Dieu qui s’impose à nous et non un acte dépendant de la réciprocité

La vision de « l’aumône aux pauvres » est ainsi un concept actuel de justice. La notion du Vivre Ensemble implique que l’on soit soucieux du prochain, « l’Homme est au cœur » de nos actes et pensées.

Les lois qui accompagnent les juifs toute leur vie n’ontpas de « logique » comprise par tous, pas de logique rationnelle. Dans l’exemple du shabbat, en souvenir du 7e jour, le jour chômé, il s’agit en réalité d’arrêter toute activité créatrice, Dieu ayant créé pendant les 6 précédents jours. Ce 7e jour permet ainsi de se départir de la matérialité et de prendre le temps de la spiritualité, de la famille, se changer l’esprit…une parenthèse dans le temps. Mais bien sûr la loi de l’aide, du secours aux autres par exemple médical, prime même le jour du shabbat.

Ces lois, sans logique apparemment rationnelle, telles le shabbat ou la circoncision, sont souvent utilisées pour alimenter l’antisémitisme…de tous bords politiques, alors qu’il n’y pas incompatibilité entre le respect des lois fondamentales du peuple juif et celles des pays.

Chaque juif doit se conformer à la loi du pays où il séjourne, dans une vision citoyenne. Bien sûr cela suppose que sa liberté de religion soit respectée, voire sa liberté elle-même.

Ainsi, en conclusion de cet exposé fort passionnant, Didier Guedj souligna la valeur humaine du Livre, adaptée à notre temps et à notre société, par l’ensemble des études successives, de générations en générations. La Torah, se présentant sur 2 rouleaux, se doit donc d’être lue dans sa totalité chaque année … et sans cesse interprétée.