La lettre du secteur pastoral de Pessac, 9 mars 2016

 

                           Temps de Carême et du Jubilé de la Miséricorde

         Un cycle de 4 conférences partages, à l’église St JM Vianney, 19h

 

-         12 février avec le père Christian Alexandre

-         26 février avec le père Benjamin Tine

-         4 mars avec le père Francis Bacqueyrisses

-         11 mars avec des membres des aumôneries des prisons

 

et le 19 mars, la marche des Rameaux par nos 3 églises, à partir de 15h

                                        

                Résumé de l’intervention du père Francis Bacqueyrisses le 4 mars

 sur le thème : la miséricorde dans le Nouveau Testament

                      notes de Jacques Da Rold (avec l’appui du texte du père Francis)

 

            En préalable, le père Francis rappelle l’étymologie du mot « miséricorde » car cela aura des résonances dans  les paroles du Christ. Dans la Bible plusieurs mots signifient la miséricorde. En hébreu, le premier terme, employé surtout dans les psaumes est « hésèd », souvent traduit par « amour » ou « tendresse ». On le retrouve surtout dans les Psaumes.  Mais un autre mot hébreu, traduit en français par « miséricorde », exprime le bouleversement jusqu’aux entrailles : « rehamîn ». C’est l’affection d’une mère pour son enfant, selon Isaïe. Jean-Paul II, dans son encyclique « Dives in misericordia » précise que cela dénote l’amour de la mère : rehem, le sein maternel. Cet amour est entièrement gratuit, c’est une exigence du cœur.

            Dès le début de l’évangile de Luc, la Miséricorde se trouve au cœur de 2 rencontres qui nous ont offertdeux chants magnifiques, le Magnificat et le Benedictus. Lors de sa visite à sa cousine Elisabeth, Marie chante la Miséricorde de Dieu. Lors de la circoncision de son fils, Zacharie fait lui aussi monter vers Dieu un chant d’action de grâce. Ces deux rencontres servent de prélude à la naissance de Jésus.

Le baptême de Jésus par Jean inaugure sa mission publique et précise ce qui sera constamment au cœur de sa mission : manifester auprès des pécheurs, des petits et des pauvres, la présence miséricordieuse et aimante de son Père. Il ne reste pas dans le désert comme Jean mais va à la synagogue de Jérusalem, dans les villes et villages, à la recherche de ceux qui s’égarent pour les pardonner et les sauver tel le berger près de sa « brebis perdue », annonçant la bonne nouvelle aux pauvres, aux captifs la libération, aux aveugles la vue…  Au nom de la miséricorde de Dieu qu’il annonce et qu’il incarne, Jésus fréquente ceux que la religion réprouve et que la société exclut. Sa liberté totale par rapport aux règles établies, y compris religieuses, se manifeste notamment dans les repas qu’il prend au milieu de personnes que tout sépare, faisant fi des barrières politiques, ethniques, sociales, religieuses et morales. Cette attention en se rendant vers les plus pauvres se retrouve dans l’évangile de Marc lorsque Jésus  guérit les malades, prend la défense des enfants ou nourrit les foules affamées… dans l’évangile de Matthieu lorsqu’il guérit les infirmes et fut pris de pitié ou plus précisément remué jusqu’aux entrailles. En se rangeant du côté des pauvres et des déshérités, Jésus n’a qu’une seule obsession : que l’on rencontre le visage de Dieu miséricordieux qu’il est venu révéler comme le rappelle Jean : « Qui m’a vu, a vu le Père ».

Les paraboles reflètent la vie en Galilée et la venue du règne de Dieu. C’est dans les paraboles que Jésus nous a le mieux révélé le message de la miséricorde du Père. C’est particulièrement vrai, mais pas uniquement,  pour les paraboles du Bon Samaritain et du Fils prodigue.

Le bon samaritain, considéré comme un païen, est « pris aux entrailles », son prochain étant celui qui a besoin d’aide concrète. Dans « le fils prodigue », la justice du père est supérieure à la Loi, la Miséricorde du père dépasse toute attente, rendant à son fils sa dignité. C’est aussi pour chacun l’histoire de notre dignité rendue par Dieu miséricordieux.

D’autres paraboles rapportées par Matthieu évoquent la miséricorde de Dieu comme  celles des « invités à la noce » ou du propriétaire de la vigne dont le fils sera égorgé, préfiguration du sort que connaîtra Jésus sur la Croix.

Dans les guérisons miraculeuses, Jésus se fait l’instrument d’un Dieu bouleversé par le malheur d’hommes et de femmes blessés et mutilés dans leur humanité. Il n’hésite pas à guérir même le jour du sabbat ; pour le messager de la miséricorde divine, le devoir de guérir et de secourir est un devoir d’humanité dont personne, s’il est en mesure de le faire, ne peut se dispenser. Cela traduit la miséricorde de Dieu même dans les situations les plus difficiles comme  lors de la guérison du paralytique à Capharnaüm. Dans tous les cas, on est loin d’un simple geste thérapeutique, et encore plus d’un geste à résonance magique ; ces guérisons sont une étape vers le salut.

Davantage encore que les guérisons, les exorcismes, où se livre le combat de Jésus contre Satan et les démons, sont l’un des signes les plus forts de la venue du Règne de Dieu. Le récit par Marc de la guérison du possédé de Gérasa est une magnifique illustration de ce que « le Seigneur a fait dans sa Miséricorde ».

Dans les heures tragiques de la Passion, Jésus sera le messager inlassable de la miséricorde de Dieu. Il a surtout le destin du Baptiste à l’esprit. Jésus est déterminé à aller jusqu’au bout dans l’obéissance à la volonté du Père et en conformité à sa mission, qui est de sauver son peuple et le monde, ayant à l’esprit un passage d’Isaïe de l’Ancien Testament où il est question du Serviteur souffrant. Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir, ultime chance que Dieu accorde aux hommes dans sa Miséricorde. Dans le récit de la Passion, Luc nous présente la manifestation de la Miséricorde de Jésus jusqu’à la fin près du serviteur du grand prêtre dont il guérit l’oreille, près de Pierre qui vient de le renier ou en accueillant la prière du « bon larron ». Jusqu’au dernier soupir, c’est un Dieu miséricordieux qui n’éprouve pas de haine pour les hommes, mais qui devant leur refus d’accueillir son Fils, maintient sa miséricorde à leur égard sous la forme suprême du pardon.

C’est ce que n’ont pas su entrevoir les scribes et les pharisiens qui n’ont pas perçu l’importance que Dieu accorde à la miséricorde. Ancrés dans leur conception de la religion, Ils n’ont pas compris que la miséricorde était une exigence divine fondamentale. Jésus le leur reprochera fortement tel que le rapporte Matthieu : « Malheureux êtes vous, scribes et pharisiens hypocrites, vous qui payez la dîme de la menthe…alors que vous négligez ce qu’il y a de plus grave dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité » et «c’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice. Car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs ».

Dans son enseignement, Jésus rappelle régulièrement, dans l’évangile de Luc, la nécessité d’aimer ses ennemis, de ne pas se poser en juge, de ne pas condamner… « Soyez miséricordieux comme votre père est miséricordieux ». Matthieu évoque le pardon total, sinon il n’existe pas : pardonner « non pas 7 fois mais jusqu’à 70 fois 7 fois ».

Chez l’apôtre Paul et dans les épîtres, la Miséricorde de Dieu est également souvent présente. Paul a fait dans sa vie l’expérience de la miséricorde de Dieu « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis » dit il dans la 1èrelettre aux Corinthiens. L’Apôtre invite les communautés qu’il a fondées à « se revêtir de la miséricorde » reçue de Celui qu’il appelle le « Père des miséricordes » dans la 2è lettre aux Corinthiens et le « Dieu de toute consolation » dans l’épître aux Ephésiens. C’est plus particulièrement vrai dans son exhortation adressée aux chrétiens de Colosse : « revêtez vous donc de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience, vous supportant les uns les autres, et vous faisant grâce les uns les autres ». Les disciples sont ainsi invités à prendre l’exemple du Christ qui a gracié et fait miséricorde.

Jacques rappelle que la Miséricorde prévaut sur les lois.

Jean nous adresse cette terrible interrogation : « si quelqu’un possède les biens de ce monde, et voit son frère dans le besoin et qu’il ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui ? » et nous demande « d’aimer en acte et en vérité ». 

On comprend ainsi que Matthieu ait repris cette très belle béatitude de Jésus : « Bienheureux les miséricordieux, il leur sera fait miséricorde ».

 

Lors de l’échange qui suivit cette présentation, le père Francis précisa que la miséricorde est gratuite ; elle s’accueille. Cela ne dispense pas du respect de l’autre, d’avoir des limites dans la vie en société et de ne pas « laisser tout faire ».  Notre dette vis-à-vis de Dieu demeure considérable. Rappelons-nous ce que Jésus dit à la Samaritaine : « Si tu savais le don de Dieu …»9